Les Canon à télémètre - Histoire et photos




Leica IIIa (1935)

Ceci est une photo de celui que l'on pourrait considérer comme un inspirateur. Il s'agit du Leica IIIa datant de 1935. Il reste fidèle à l'architecture des tous premiers Leica, eux-mêmes initiateurs de l'appareil 24x36.

La production des Canon à télémètre a d'ailleurs commencé cette même année avec des modèles aujourd'hui introuvables, comme le Kwanon, le Hansa Canon, etc... On ne manquera pas de noter, déjà, une grande similitude de lignes ; similitude pas seulement esthétique, les mécanismes de vitesse étant également très proches. On peut en dire autant de tous les modèles de Canon jusqu'à la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

Les photos suivantes représentent le Canon S-II datant de 1948. Comme on peut le constater, la forme est très proche de celle du Leica IIIa. Vu de l'extérieur, la seule différence semble être la présence de facettes là où sur le Leica on voit un superbe arrondi. En lieu et place de la vulcanite du Leica, on trouve une espèce de simili-cuir pouvant aller du satiné au brillant selon l'état de l'appareil ou la provenance du matériau en question.




Canon S II (1948)

Si on laisse de côté les considérations esthétiques, on peut déjà noter un petit avantage pratique du Canon : viseur et télémètre sont rassemblés en une seule fenêtre ; Leica n'y viendra que plus tard avec la série des M, avec d'autres progrès bien plus conséquents, il est vrai. Pour ce qui est de la qualité de fabrication, elle est pratiquement équivalente : peut-être le chrome du Leica est-il plus luxueusement fini, d'un grain plus fin que celui du Canon, sans toutefois atteindre l'extrème beauté de la finition nickelée de certains objectifs Leitz des années 30 ; la vulcanite produit également meilleure impression que le gainage souple et moins stable dans le temps du Canon. À ceci près, la qualité des ajustages et des matériaux employés n'est que de très peu en défaveur des Canon.

La fin des années 50


Canon IV S.B.2 (1954)

En 1954, Canon en est encore à apporter des améliorations diverses au matériel déjà existant. Depuis le S-II de 1948, certaines étaient plus qu'utiles. En particulier, l'idée consistant à rassembler en une seule fenêtre viseur et télémètre fait beaucoup pour l'aspect pratique de l'utilisation de ces appareils. On peut également citer l'apparition d'un viseur à grossissement variable - trois grossissements différents, correspondant à peu près aux focales respectives de 50, 85 et 135 mm. Apparition aussi d'un vrai système de flash, voir la glissière sur le côté gauche de certains appareils : elle constitue une griffe flash et possède un contact permettant la synchronisation. Le IV SB 2, qui sortit cette même année, fut le premier à réunir toutes ces nouvelles caractéristiques qui nous montrent qu'à cette époque, Canon ne pratique déjà plus la copie pure et simple des Leica.


Leica M3 (1954)

D'ailleurs on ne peut pas dire que Leitz lui facilite le travail. En 1954, la firme Allemande sort le M3, qui restera un des sommets (le sommet ?) de l'histoire des appareils à télémètre. Citons pêle-mêle parmi ses caractéristiques : viseur-télémètre multifocal, monture à baionnette, sélection automatique du cadre de visée au montage de l'objectif, possibilité de prévisualiser le champ d'un objectif sans nécessairement le monter, compatibilité totale avec les anciens objectifs à vis (bague d'adaptation vis sur baillonette), toute la gamme des vitesses sur un seul barillet alors que Canon isolera les vitesses lentes sur un deuxième barillet placé sur la face avant des appareils jusqu'en 1956, deux prises de synchro flash (électronique et magnésique), etc... Et pour couronner le tout, une qualité de fabrication et de finition qui restera probablement à jamais inégalée, peut-être même chez Leitz.

Après ce petit séisme, Canon poursuit peu à peu son travail. Les améliorations sur les boîtiers restent plutôt modestes mais régulières. On voit passer un Rapid Winder. Accessoire similaire au Leicavit, il consiste en une semelle contenant un mécanisme d'armement rapide actionné par une gâchette. On le retrouvera fixé à demeure sur certains Canon à la fin des années 50, notamment sur le VI-T (T pour trigger) de 1957, sorti un an avant le Leica M2. Ce dispositif d'armement peut plaire diversement, mais en tout état de cause, il se montre bien plus efficace que le simple bouton d'armement rond présent sur le dessus de l'appareil, celui-ci étant bien moins saillant que celui des séries précédentes. Ceux qui y tiennent peuvent d'ailleurs se servir dudit bouton.



Canon IV S (1952)
et Rapid Winder
Canon V-T de luxe
(1956)
Canon VI-T
(1957)

Par contre, le travail accompli pour étoffer la gamme optique est nettement plus actif et les nouveautés dans ce domaine sont plus nombreuses que dans n'importe quelle autre gamme 24x36. Si, depuis toujours, Leica est à juste titre réputé pour la qualité exceptionnelle de ses objectifs, il faut aussi rendre justice à Canon pour avoir su innover sur le plan optique, en sortant des objectifs aux focales ou aux ouvertures jusqu'alors inusitées. Témoins sur la première photo les focales de prédilection des appareils télémétriques : 25/3,5, 35/1,5, 35/2, 50/1,8, 50/1,4 et 100/2 ; sur la deuxième, différentes générations d'objectifs (ultra-) lumineux de 85 mm ; sur la troisième, un 200/3,5 et un 400/4,5 sur chambre reflex ; sur la quatrième, le même 400/4,5 accompagné d'un VI-T avec 35/1,5. Tous sont précurseurs de ce que seront bien des années après des gammes optiques professionelles à grandes ouvertures, en particulier chez Canon. On termine par un 800/8 dans sa valise en bois.



Les années 60

Mais la vraie révolution de Canon est encore à venir. Elle se nomme Canon 7. Le Canon 7 sort en 1961 et fait véritablement le trou avec les précédents télémétriques de Canon. Cellule Selenium incorporée, viseur multifocal 35, 50, 85-100 et 135, il n'a maintenant plus grand chose à envier aux Leica, mise à part la qualité toujours insurpassée de leurs télémètres et de leur monture à baionnette. Il est également présenté d'emblée avec un objectif exceptionnel par ses caractéristiques physiques sinon par ses performances : le 5O mm ouvert à 0,95.

Canon 7 et 50/0,95
(1961)


Monture du Canon 7

Cette luminosité tout à fait extraordinaire même de nos jours impose à Canon une modification de la monture 39 à vis : une baionnette extérieure apparait qui permet à l'appareil de mieux supporter le poids de l'objectif - mis à part les super-télés sur chambre reflex, c'est le plus lourd de la gamme - mais aussi... le simple montage de l'objectif sur l'appareil. En effet, qui dit luminosité dit diamètre de lentilles plus important et ici à tel point qu'il n'y a plus de place sur la monture pour un filetage suffisamment massif. La monture est donc dépourvue de filetage et possède même un méplat permettant le passage de la came télémétrique.

Intérieurement, la monture côté appareil reste bien sûr inchangée et reçoit toujours les objectifs 39 à vis d'origine Canon, Leica ou autre.


Canon 7 et 50/0,95
(1961)

Maintenant, soyons honnêtes, la qualité optique de cet objectif ne crève pas les sommets. D'ailleurs, quelles que soient l'époque, la marque et la focale considérées, les meilleurs objectifs sont très rarement les plus lumineux.

De plus, le méplat sur la lentille arrière du 50/0,95 ne fait rien pour améliorer les médiocres performances de cet objectif.

Le récent (1989) 50/1 EF L pour les EOS n'est pas non-plus le meilleur objectif de tous les temps, il se montre plutôt irrégulier en bord d'image, et bien que bénéficiant de verres spéciaux et de lentilles asphériques, ses performances sont très en deçà de celles des 50/1,4 USM et 50/1,8 de la même gamme qui sont munis de verres plus classiques. Alors l'antique 50/0,95 qui ne bénéficiait pas de tels verres ni de telles techniques...


Canon 7s Z (1968)

En 1965, Canon présente le 7S, version encore améliorée du 7 : la cellule selenium fait maintenant place à une cellule CdS (sulfure de cadmium), bien plus performante en termes de précision et de sensibilité en basse lumière mais nécéssitant une pile. La fenêtre d'éclairement des cadres de visée (la chose vaguement translucide et striée sur le devant) a également été revue. Enfin, en 1968, le 7S reçut des améliorations de détail comme une manivelle de rembobinage de plus grand diamètre ; il fut rebaptisé pour l'occasion 7S-Z.

Canon a définitivement arrêté la fabrication d'appareils télémétriques vers 1968 ; les objectifs, eux, ont continué d'être fabriqués jusqu'en 1975, environ.


Leica M4-P (1981)

Depuis toutes ces années, Leica est longtemps resté la seule firme à fabriquer encore des objectifs et appareils télémétriques. Mais dernièrement, à l'ère des appareils numériques, plusieurs marques se sont remis à fabriquer de tels matériels.

Ainsi sont apparus le Konica Hexar RF et l'Hasselblad XPan. Ils côtoient maintenant des appareils assez originaux comme les Minolta CLE et autres Contax G1 ou G2 qui sont longtemps restés les seuls «concurrents» des Leica M. Certes, on peut leur trouver des rapports plus éloignés avec la mécanique que les Leica, mais au-delà de cela, on ne peut que se réjouir de cet état de fait.

Le télémètre n'a d'ailleurs peut-être pas dit son dernier mot. Leica n'a-t-il pas sorti un M8 télémétrique et numérique ?


Bibliographie

  1. Canon Rangefinder Cameras - Peter DECHERT - Hove Photo Books
  2. 300 Leica Copies - Patrice-Hervé PONT et Jean-Loup PRINCELLE - FOTOSAGA
  3. Canon Photography - Jakob DESCHIN

Des appareils proches des télémétriques

Quelles sont les caractéristiques les plus intéressantes des appareils télémétriques, mis à part, évidemment, le télémètre lui-même ? Ne sont-ce pas, par hasard, une visée constante permettant de voir l'expression de son sujet lors du déclenchement ou l'effet d'un éclair de flash ? Une meilleure stabilité due à la légèreté et au faible nombre des pièces en mouvement ?

Alors laissons de côté l'argument du faible encombrement et jetons un oeil sur les quelques reflex qui peuvent offrir les avantages sus-cités... et d'autres encore !